Un train pour les bus (bars)
Le 8 avril, les premières équipes du projet SMACC (Superconducting Magnets and Circuits Consolidation) ont investi le tunnel du LHC. En charge de l’ouverture des interconnexions entre les aimants, elles préparent le terrain pour les opérations de consolidation, qui seront exécutées par une équipe organisée en véritable train.
Les 1670 aimants dipôles et quadripôles du LHC sont alimentés par des convertisseurs de puissance et sont connectés entre eux par des jeux de barres en cuivre (« bus bars » en anglais). À l’intérieur de ces barres chemine le câble supraconducteur qui transporte un courant pouvant atteindre 11850 ampères. À chaque interconnexion, 6 câbles supraconducteurs se rejoignent. Ceux-ci sont assemblés par une connexion électrique brasée (voir encadré), elle-même prise en sandwich entre deux pièces de cuivre faisant la jonction entre les barres des aimants voisins. De la qualité de ces brasures dépend l’intégrité du circuit électrique, une brasure défaillante pouvant en effet être à l’origine d’une discontinuité pouvant générer un arc électrique, ce qui peut avoir de graves conséquences.
Afin d’éviter ce genre de problème, un projet de consolidation des circuits supraconducteurs du LHC (projet SMACC) a été lancé dès 2009. Objectif principal : mettre en place un shunt, c’est-à-dire une plaquette de cuivre de 50 mm de long, 15 mm de large et 3 mm d’épaisseur, à cheval entre la connexion électrique principale et les barres des aimants adjacents. En effet, en cas de transition résistive (« quench ») au niveau du câble supraconducteur, le courant passe dans la partie cuivre, qui doit donc être parfaitement continue.
« Plusieurs équipes travailleront à la chaîne, chacune d’elles occupant un des wagons du ‘train de consolidation’, explique Frédéric Savary, TE-MSC. Chaque équipe est constituée de plusieurs techniciens, de manière à pouvoir travailler en parallèle sur plusieurs interconnexions. L’équipe à la tête du train se chargera d’ouvrir les lignes contenant les connexions électriques en découpant à l’aide de machines spéciales la soudure des manchettes cylindriques faisant la liaison mécanique et hydraulique entre deux aimants ». L’équipe du wagon suivant démontera alors l’isolation électrique protégeant le circuit ; puis il s’agira de surfacer la portion de barre destinée à accueillir le shunt à l’aide d’une machine de fraisage développée au sein du groupe MSC. Au total, plus de 27000 shunts devront être mis en place, soit en moyenne un toutes les trois minutes.
Pour s’assurer de l’efficacité des shunts, les ingénieurs ont effectué des tests « grandeur nature ». « Nous avons réalisé des tests à 4,5 K sur un assemblage de deux aimants connectés en série sur un banc de mesure du hall SM18, relate Frédéric Savary. Nous avons délibérément réalisé de mauvaises connexions entre les barres de deux aimants, en laissant un jeu de 8 mm entre les parties en cuivre. Puis nous y avons placé des shunts. Nous avons ensuite alimenté le circuit par un courant de 14000 ampères, très supérieur au courant nominal du LHC, qui est de 11850 ampères, et avons provoqué des ‘quenchs’. » Et tout s’est passé comme prévu. Le courant a bien emprunté le chemin parallèle constitué par le shunt.
Le brasage Il s'agit d'un procédé d'assemblage permanent qui établit une continuité métallique entre deux pièces. Pour cela, on fait migrer un métal ou un alliage de part et d'autre des bords à assembler par action calorique et/ou mécanique. Contrairement au soudage, il n'y a pas fusion des bords assemblés. Dans le cas du brasage des connexions électriques principales du LHC, on utilise un alliage étain-argent dont la température de fusion est de 221°C. Dans le cas du brasage des shunts, on utilise un alliage étain-plomb, dont la température de fusion de 183°C permet de ne pas refondre la connexion principale pendant le brasage. |
par CERN Bulletin